Créée le 18 janvier 1800 par le Premier Consul sous le régime du consulat Napoléon Bonaparte, sur le modèle de la banque d'Angleterre, dans le but de créer une nouvelle monnaie stable, le Franc Germinal, après le désastre des assignats, la Banque de France était à l’origine chargée d'émettre des billets payables à vue et au porteur, en contrepartie de l'escompte d'effets de commerce. Assez modeste, n’exerçant son activité qu’à Paris, elle partageait, avec cinq autres établissements, le rôle d’émettre des billets de banque mais, dès le 21 avril 1800, le membre fondateur et régent Le Couteulx peut déjà annoncer : « La Banque de France est encore un enfant au berceau, mais son enfance est celle d’Hercule, et elle a fait un bon et utile usage de ses premières forces ».
La Banque de France se présentait juridiquement sous la forme d'une société anonyme au capital de 30 millions de francs divisé en 30 000 actions nominatives de 1 000 francs. Les actionnaires étaient représentés par 15 régents et 3 censeurs. La réunion des régents formait le conseil général qui élisait dans son sein un comité central composé de trois membres dont le président était de droit président du conseil général. Le comité central était chargé de la direction de l'ensemble des opérations de la Banque.
Protégée par le gouvernement Bonaparte, La Banque de France obtint le 14 avril 1803 (24 germinal an XI), le privilège d’émission exclusif pour Paris, pour une durée de 15 ans, et le capital fut augmenté de 15 millions de francs, ce montant permettant à la Banque d’absorber les autres établissement émetteurs. Les émissions de billets avaient pour contrepartie les dépôts d'or de la clientèle et les escomptes d'effets de commerce. Le billet de banque n'était cependant pas un instrument de règlement très répandu puisque la moindre coupure était de 500 francs, ce qui correspond à peu près à une valeur de 900 € actuels. Dans les premières années du xixe siècle, il n'était donc utilisé que pour les règlements importants, l'or ou l'argent monnayé assurant les paiements courants. Il est à noter que le billet était convertible en une quantité d'or spécifiée de métal et l'est resté pendant toutes les guerres napoléoniennes (la banque d'Angleterre, avait, elle, suspendu la convertibilité). Cette pratique a assuré le crédit du billet de la banque de France pour longtemps.
Le 1, rue La Vrillière à Paris
Les premières années de fonctionnement de la Banque de France n'allèrent toutefois pas sans difficulté : crise des finances publiques, diminution de l'encaisse de la Banque entraînant des restrictions au remboursement des billets. Elles amenèrent Napoléon à provoquer une réforme destinée à redonner au gouvernement une plus grande autorité sur la direction de l'établissement.
C'est dans cet esprit que fut réalisée, par la loi du 22 avril 1806, la réforme de Banque de France. La direction des affaires de la Banque, confiée jusque-là au comité central, fut désormais assurée par un gouverneur et deux sous-gouverneurs nommés par l'État. Le privilège fut prolongé de vingt-cinq ans au-delà des quinze premières années et le capital porté de 45 à 90 millions de francs, mais l'administration de la Banque était libre de réaliser cette augmentation par étapes successives. La Banque, disait l'exposé des motifs de la réforme, est un établissement public. Elle doit user de son privilège dans l’intérêt commun du Gouvernement, des citoyens et des actionnaires : « La propriété de la Banque est à l'État et au Gouvernement autant qu'aux actionnaires ».
Deux ans plus tard, le 16 janvier 1808, un décret impérial promulguait les « statuts fondamentaux » qui devaient régir jusqu'en 1936 les opérations de la Banque. Ce texte décidait aussi l'établissement de succursales appelées « comptoirs d'escompte » dans certaines villes de province où le développement du commerce en faisait sentir la nécessité.
Le développement du réseau[modifier]
Le baron Martin Garat (1748-1830), directeur général de l'institution depuis sa création, jusqu'à la mort de l'administrateur.
Dès 1808 des comptoirs d'escompte furent créés à Lyon et à Rouen. Napoléon ne trouvait pas cela suffisant. « La Banque », écrivait-il en 1810, il voulait que la Banque de France soit présente dans toute l'étendue de l'Empire. Toutefois, le ministre du Trésor Mollien s'employait à modérer l'empereur et dans sa « note du Havre », insistait sur le fait que la confiance accordée par le public est le plus souvent locale.
Ce conseil fut suivi et, par la suite, un seul comptoir fut créé, celui de Lille en 1810. Dès la connaissance du décret du 8 septembre 1810 qui autorisait la Banque « à exercer son privilège dans les villes où elle a des comptoirs de la même manière qu'à Paris », une véritable panique fut déclenchée à Lyon, donnant raison à Mollien. Les déposants, craignant l'inflation et la faillite monétaire, retiraient leurs fonds en compte et les transactions n'étaient plus conclues qu'avec une grande défiance. Cette panique s'apaisa progressivement mais, d'une façon générale, on craignait que l'escompte par émission de billets, en faisant baisser le taux de l’intérêt, ne provoquât la fuite des capitaux.
Cette défiance ne dura pas. Après la chute de l'Empire, le Conseil de régence s'employa à poursuivre une politique de fort rendement immédiat, en supprimant les charges improductives, dont les comptoirs déficitaires. Entre 1814 et 1817, les comptoirs d'escompte furent supprimés et ces fermetures entraînèrent de véhémentes protestations du commerce et de l'industrie, brutalement privés des concours bancaires.
Les événements allaient d'ailleurs démontrer rapidement à la Banque l'erreur qu'elle avait commise car, à la suite de la suppression des comptoirs, des banques départementales furent créées ; elles apparurent notamment dès 1817 à Rouen, Nantes et Bordeaux. Les résultats de leur exploitation furent bons et il fut rapidement évident que la Banque de France devait s'intéresser à cette évolution si elle ne voulait pas être amenée à renoncer à son titre - et même, peut-être, à son privilège - au profit d'autres organismes.
En 1840, le privilège d'émission fut prorogé jusqu'en 1867. Le capital fut, à cette date, réduit de 90 à 67,9 millions. Lors du débat parlementaire, la Banque fut vivement critiquée, accusée de n'être qu'une banque de réescompte au service des maisons de banque de la place de Paris et de mener une politique de crédit et d'émission exagérément restrictive. Le président du Conseil, Adolphe Thiers, soutint avec éloquence, devant la Chambre des députés, la demande de renouvellement présentée par le gouverneur, le comte d'Argout, qui avait été son ministre des Finances en 1836. Il obtint aisément le vote du renouvellement du privilège à des conditions si avantageuses pour la Banque que celle-ci fit aussitôt frapper une médaille d'or commémorative qui fut remise au chef du gouvernement.
Le 27 avril et le 2 mai 1848, les 15 banques départementales d'émission existantes furent incorporées à la Banque de France et continuèrent à fonctionner comme comptoirs. Pour permettre la fusion, le capital fut porté à 91,25 millions de francs. En 1857, ce capital fut doublé et passa donc à 182,5 millions de francs.
En 1865, la Banque de France absorba la Banque de Savoie, s'assurant ainsi définitivement le privilège d'émission sur l'ensemble du territoire. S'accaparant ainsi la totalité de l'or détenu par celle-ci.
La façade principale de la BdF
Enfin, en 1873, une loi fit obligation à la Banque de France d'établir une succursale avant le 1er janvier 1877 dans tout département où il n'en existerait pas encore. Le nombre des comptoirs s'est alors accru. Il s'élevait à 160 en 1900 et 259 en 1928.