Les premiers
vêtements portés il y a au moins 650 000 ans (date établie par l'analyse
archéogénétique (en) du
pou du vêtement1) étaient probablement en peaux et fourrures d'animaux rêches et grossières, protégeant le
chasseur-cueilleur préhistorique des glaciations du
Pléistocène : en utilisant des
grattoirs pour racler la viande d'animaux, ils se sont servi de leur peau comme
costume drapé ou enfilé, ont utilisé de fines lanières de cuir pour attacher les fourrures
2. L’
homme de Cro-Magnon, il y a 40 000 ans, a développé des outils pointus plus fins comme des
poinçons ou des
aiguille à coudre en os d'animaux, pouvant percer de petits trous dans les peaux, et ainsi lacer ou coudre des
tuniques. La maîtrise de la fabrication d'objets et de vêtements créés avec des fibres textiles durant les
temps préhistoriques est une étape essentielle pour les chances de survie des populations préhistoriques
3.
La découverte de fibres
teints de
lin naturel et de
laine de chèvre portant des marques de torsion dans des couches d'argile de la
grotte de Dzudzuana en
Géorgie il y a 34 000 ans suggère l'utilisation de matériaux textiles. Bien qu'elles aient pu être utilisées comme
cordage pour l'emmanchement des outils en pierre ou pour le
tressage de nattes et paniers, ces fibres ont probablement servi au
tissage de vêtements à coudre, l'équipe de chercheurs ayant trouvé associés à
ces fibres des mites, des larves de coléoptères et des spores de
Chaetomium (en) typiques de la dégradation des textiles
4.
L'homme préhistorique apprend progressivement à macérer les fibres végétales pour les rendre flexibles (technique du
rouissage) ainsi qu'à détacher les poils des
cuirs grâce à des
silex taillés, fabriquant d'abord des
feutres (le premier feutre est évoqué sur des motifs de peinture murales du site néolithique de
Çatal Höyük, vers
-8000) de lin, laine, poils, fourrure, voire en écorce d'arbre, mais le feutre reste une étoffe moins résistante que le tissu
5. Une forme de
tricot, le
nalbinding (en), est repérée dès
-6000 en
Judée6.
Le tissage rend l'étoffe plus résistante. Cette technique
néolithique nécessite le
filage de la laine de mouton ou de chèvre, de la fibre de coton, laine, lin,
ou soie, ces fibres pouvant subir une torsion à la main pour former un
fil solide. L'art du
filage est attesté dès la sédentarisation des hommes qui découvrent, il y a
environ 27 000 ans, qu'il était possible de fabriquer un fil solide en
parallélisant les poils ou les fibres végétales (laine, lin) puis en
donnant manuellement une torsion aux faisceaux de fibres
7.
C'est le
mouton qui fut d'abord domestiqué en
Mésopotamie en raison de la qualité de sa
laine,
Hammurabi appelant la
Babylone le « pays de la laine ». Facile à travailler, elle était filée et tissée avec des techniques encore utilisées en
vannerie, la laine tissée étant plus chaude que les
fourrures8.
Le premier outil de filage consistait en un petit bout de bois doté
d'un crochet qui permettait d'attraper le fil. Il était possible de
rouler la branche sur la cuisse afin de rendre la torsion plus rapide.
Le fil était quant à lui enroulé autour de la branche afin de pouvoir
être stocké et maintenu en place. Il est possible de filer avec la
branche. Toutefois, si ce procédé est particulièrement adapté à
l'apprentissage, il en demeure relativement lent. Une alternative fut
donc nécessaire.
Le filage au
fuseau et à la
quenouille, constitués de différents matériaux, pour le
lin et la laine est attesté dès le
VIe millénaire av. J.-C. (découverte dans le village néolithique de
Sesklo (en) de
fusaïole)
9 jusqu'à l'apparition du
rouet au début du
XIVe siècle au
Moyen-Orient. C'est au
XVIIe siècle qu'on ajoute une
pédale au rouet pour libérer la main droite du fileur et améliorer la technique. Mais malgré ce progrès, le
tissage et le filage restent des opérations lentes, artisanales et relativement onéreuses
7.
En
1746, la première manufacture d'
indiennes mulhousienne est créée dans ce qui est encore la
République de Mulhouse (
Stadtrepublik Mülhausen) par Koechlin, Schmaltzer et
Jean-Henri Dollfus. Dans les
années 1760 apparaît, au
Royaume-Uni, le premier
métier à filer mécanique (
Spinning jenny) puis en
1771,
Richard Arkwright crée la première
filature industrielle.
Crompton invente quant à lui la
spinning mule permettant à un seul ouvrier de commander jusqu'à 1 000 fuseaux. En
1812, tous les métiers à filer du
Royaume-Uni produisent autant que quatre millions de rouets
7.
Le filage industriel se développe avec deux inventions : d'une part, la machine à égrener le
coton pour fournir la fibre ; d'autre part, celle du
métier à tisser pour utiliser le fil. L'expansion des filatures crée un exode rural qui
engendre une mécanisation agricole visant à maintenir les niveaux de
production et oblige les artisans fileurs à se reconvertir. Le travail
en filature ne demandant ni force, ni aptitude spéciale, la main d'œuvre
bon marché que sont les femmes et les enfants est préférée, avant que
l'évolution de la législation ne finisse par interdire le travail des
enfants
7.