Coutumes d'autrefois.
Noël d'antan Où
sont passés les Noëls d'antan alors que le traîneau glissait sur la
neige poudreuse et que toute la famille emmitoufflée dans les
couvertures se rendait à l 'église pour la Messe de Minuit !
Où
sont passés les Noëls d'antan avec sa guignolée .Les gens allaient de
maison en maison recueillir de la nourriture et de l'argent pour
préparer les fêtes des plus démunis. Il faisait froid et la maîtresse de
maison tendait d'office un petit verre de caribou (whisky coupé de vin
rouge) pour réchauffer tous et chacun. Plus la guignolée avançait dans
sa quête, plus on chantait fort et plus le coeur était à la fête.
Mais
le sapin de Noël croulant sous les décorations au pied duquel
s'entassent les cadeaux, la table du réveillon, n'ont rien perdu de la
tradition.
A la Sucrerie de la Montagne, la table est dressée
avec un soin extrême. La nappe, brodée à la main avec du gros fil marron
par des aïeules aux doigts agiles, rehausse la vaisselle blanche. Les
gros verres jouxtent les petits où l’on verse en guise d’apéritif le "
caribou ", un mélange de vin blanc et de vin rouge, de vin de bleuet
(myrtille) et de whisky blanc que l’on fait au Canada depuis les
premiers arrivants. On le boit glacé, accompagné de délicieuses
crevettes fraîches.
Le retour aux sources pour cette nuit de
Noël commence par la soupe aux pois du montagnard, des pois jaunes
(sorte de pois cassés), rehaussée de lard et parfumée à la sauge et au
persil haché. La cuillère peut tenir debout presque toute seule!
Revigorante!
Tout au long l’après-midi, Sandra a surveillé la
confection du " cipâte ", une sorte de pâté de viandes alternées
(lièvre, dinde, poulet, porc, canard sauvage, perdrix ou faisan),
assaisonnées de fines herbes et cuites sur une pâte épaisse dans un
chaudron de fonte et séparées par des rangées d’oignons revenus dans de
la chapelure. Le tout est recouvert de pâte, badigeonné de jaune d’œuf
pour donner une jolie couleur dorée.
Il faut attendre environ
trois heures à four doux pour pouvoir déguster ce plat amené par des
cuisiniers de la douce France de Louis XIV et peaufiné au fil des
siècles. Un des monuments (quand il est réussi!) de la cuisine
québécoise.
Arrive ensuite la dinde farcie, dorée à point,
entourée de chou rouge cuit à la vapeur et passé dans le jus, d’une
onctueuse purée de pommes de terre au beurre et accompagnée d’une sauce
tiède au bleuet, sans oublier (mais alors on ne serait plus au Québec)
les fèves au lard de chantier, des haricots blancs préparés avec de
l’oignon frit, de la mélasse et quelques tranches de lardons salés.
Les
cloches sonnent. La ferveur s’empare de la petite église de la paroisse
de Sainte-Madeleine-de-Rigaud. Comme autrefois, la crèche s’éclaire
doucement et les chants d’amour et d’espérance montent au ciel. Au
retour de la célébration religieuse, ceux qui sont venus en voiture font
" chauffer le char " (tourner le moteur ) dans un gai vrombissement. La
température a encore baissé, l’air devient de plus en plus coupant, et
on presse le trot des chevaux. A l’orée des bois, la cabane presque
gommée par la neige attend. Comme au bon vieux temps des trappeurs, on
secoue son manteau couvert de givre, on se déchausse et c’est le moment
exquis de la veillée.
Pour ne pas tomber d’inanition, devant le
feu où flambent des bûches de bois d’érable, on savoure un bout de tarte
à la farlouche (une pâte brisée garnie de crème à la cassonade) sortie
fumante du four à bois, on grignote des " grands-pères " (des beignets
sucrés cuits dans un sirop bouillant), on chipote distraitement un des
pains individuels en forme de sapin que Guylaine fait toujours à Noël
et, pour faire passer le tout, on boit du thé au lait bien chaud ou une
lichette d’alcool maison tandis que, émerveillé, on écoute le conte de
la " chasse-galerie " qui clôt cette nuit exceptionnelle.
L’histoire
rapporte qu’il y a très longtemps, les jeunes bûcherons avaient
l'habitude de s'engager sur des chantiers loin de chez eux. A la veille
de Noël, pris de vague à l’âme, ils rêvaient de retourner au foyer.
Alors le diable leur proposa un pacte : les ramener chez eux à la
condition qu’ils ne profèrent aucun juron – le langage ordinaire de tout
bon Québécois en comporte quelques-uns – sinon les malheureux
risquaient l’enfer! Cruel dilemme! Mais ils s’engagèrent tout de même à
modérer leurs propos. Ils s’envolèrent alors dans la " chasse-galerie ",
le traîneau volant du diable les conduisant vers la messe de minuit
dans leurs villages natals. L’imagination fait ainsi de l’hiver tout un
poème. L’épopée de la chasse-galerie répond à la cruauté des éléments et
la transcende par le rêve. Chut! La douce nuit de Noël va s’achever.