Avec l’engouement pour les technologies vertes, le dirigeable a trouvé un regain d’intérêt depuis une quinzaine d’années car il est censé pouvoir effectuer des transports de passagers et de fret comme l’avion mais en consommant moins de carburant- donc en émettant moins de gaz à effet de serre - et en produisant moins de nuisances sonores.
Les militaires de leur côté rêvent de transporter rapidement en cas de conflit des unités entières - hommes et équipements - dans d’énormes dirigeables (1000 tonnes de capacité d’emport) qui iraient se poser en arrière du théâtre des opérations. Au-delà du transport, les militaires voudraient aussi avoir des points de surveillance étendue à partir de dirigeables stratosphériques tandis que les civils imaginent aussi de tels dirigeables, stationnaires grâce à un géo-positionnement dynamique, comme relais de télécommunications en tous genres.
On laissera de côté les projets de dirigeables stratosphériques dont aucun d’ailleurs ne s’est encore concrétisé ainsi que les projets de petits dirigeables , type ULM, à rames (sic !) à pédales, à moteurs électriques et accumulateurs Li-ion ou/et à cellules photovoltaïques, à pile à combustible, etc. Certains de ces derniers peuvent être des bancs d’essai pour des technologies en devenir mais n’ont aucun intérêt pratique immédiat.
Les trois types de dirigeables :
Pour s’y reconnaître dans les modes de leur conception, il convient d’avoir présent à l’esprit que les dirigeables se répartissent en trois grandes familles qui toutes trois ont adopté pour des questions d’aérodynamique, une forme oblongue plus ou moins ramassée, dite en cigare, pourvue de 3 ou 4 dérives et gouvernails à la poupe. Des projets récents s’écartent cependant de cette forme classique.
1) Les dirigeables rigides : un squelette en métal léger (Al, Mg ou alliages de ces métaux) donne sa forme au dirigeable. Une peau en toile traitée recouvre cette forme qui laisse un large vide intérieur qui peut être compartimenté par des diaphragmes. Ce vide est occupé par des ballons remplis d’un gaz léger (H² ou He) . La nacelle est accrochée à cette structure ou même en fait partie et les groupes motopropulseurs y sont fixés latéralement. Le type en est les grands zeppelins d’avant guerre dont la longueur atteignait plus de 240m et le volume 200 000 m3.
2) Les dirigeables souples : une grande vessie de forme oblongue remplie d’hydrogène, ou plutôt d’hélium, en légère surpression (de l’ordre de 20 à 30 g/cm²) soutient une nacelle par l’intermédiaire de caténaires internes. Des ballonnets d’air permettent d’ajuster la flottabilité du dirigeable qui doit être égale à zéro à toute altitude. Les groupes motopropulseurs sont fixés sur la nacelle. Ce type de dirigeable, appelé blimp par les anglo-saxons, est actuellement bien représenté par celui qui fait la publicité de Goodyear dans notre ciel. De par leur mode de construction, la taille de ces blimps est limitée et leur volume dépasse rarement quelques dizaines de milliers de m3.
3) Les dirigeables semi rigides : Comme leur nom l’indique, leur architecture est intermédiaire entre les deux précédentes et s’organise autour d’une poutre ou d’une armature plus ou moins complexe, interne au ballon, qui soutient la nacelle. Les ballons à gaz et les ballonnets sont à l’intérieur de l’enveloppe et sont reliés à la poutre par des suspentes. Les groupes motopropulseurs sont le plus souvent accrochés à des membrures qui s’insèrent sur la poutre. Cette architecture autorise des dirigeables de grandes dimensions. C’est celle qui a le plus la faveur des concepteurs modernes et qui avait été retenue pour le projet allemand Cargolifter, lequel cependant n’a jamais vu le jour.
A ces trois types de dirigeables au sens propre, il convient d’ajouter un autre concept, celui des hybrides, moitié dirigeable, moitié avion, qui s’élèvent d’une part grâce à l’hélium du ballon et pour 40 % grâce à la portance de la forme de celui-ci. Il s’agit alors de STOLs et non de VTOLs 1.
1) STOL : Short Take Off Landing, VTOL : Vertical Take Off Landing
A) Bref historique :
L’histoire de la conquête de l’air du 18ème au 20ème siècle , avec sa lutte entre les plus légers et les plus lourds que l’air, permet une bonne approche de l’évolution des dirigeables et des espoirs, des phantasmes et des déceptions qu’ils ont suscité.
1783 : Les frères Montgolfier font voler le premier ballon
La même année : premier vol humain avec Pilâtre de Rozier et le marquis d’Arlandes
1785 : Premier vol d’un ballon à hydrogène conçu par Jacques Charles
1794 : Victoire de Fleurus grâce à un ballon captif
1852 : Vol du premier dirigeable, dû à l’ingénieur Henry Giffard
1884 : Premier vol en circuit fermé par Charles Renard
I887 : Daimler crée le 1er moteur à explosions
1890 : Vol historique de l’Avion de Clément Ader
1904 : Les frères Wright font voler un plus lourd que l’air en circuit fermé
1907 Le Dr Eckener conçoit le LZ3 et tous les Zeppelins qui vont suivre
1909 : Blériot traverse la Manche
1913 : Le LZ Sachsen parcourt 3 900 km de Betterfeld (Allemagne) à Perm (Russie)
1914/1918 : le zeppelin type LZ 9 devient un bombardier. Sur 67 construits, il n’en restera que 16 récupérés par les Alliés. Les avions sont, eux, construits à des milliers d’exemplaires
1918/1927 En plus des prises de guerre, les Américains commandent plusieurs dirigeables à l’Allemagne et en construisent eux-mêmes comme les Anglais et les Italiens. La plupart disparaîtront tragiquement. La France a privilégié le plus lourd que l’air dès 1910.
1927 : Traversée de l’Atlantique par Lindbergh, disparition de Nungesser et Coli
1928 ! Lancement du LZ 127 Graf Zeppelin
1929 : Le LZ 127 fait le tour du monde en 21 jours avec seulement 3 escales
1932 : Le LZ 127 entre en service régulier sur l’Atlantique tandis que la Grande Bretagne abandonne la construction des dirigeables après l’accident du R101 à Beauvais (aucun survivant)
1934 ; Lancement du DC3 et lancement du LZ 129 Hindenburg, réforme du LZ 127
1937 : Incendie du LZ 129 à Lakehurst (E-U), 36 morts, 62 rescapés, fin des grands dirigeables et triomphe des plus lourds que l’air !
Deuxième guerre mondiale : Près de 200 blimps gonflés à l’hélium sont construits pour la surveillance côtière et la détection des sous-marins ; aucun détruit.
1960 : Construction du dernier gros blimp américain (près de 40 000 m3) porteur d’un radar pour surveiller l’URSS
B) Les projets et réalisations récentes
Depuis l’an 2 000, le dirigeable fait son retour mais surtout sur le papier (les dates données ci-dessous sont celles de l’apparition des projets dans les médias) :
2000 : FIRST. Premier projet de dirigeable rigide DGP (Dirigeable Gros Porteur) conçu à Tarbes par Marc Sénépart : Volume 500 000 m3, charge marchande 250 tonnes , 6 moteurs à gaz développant 20 000 kW, rayon d’action 6 000 km. Ballastage et lestage par compression d’hélium. Jugé irréalisable par les avionneurs et Air Liquide.
2000 : AVEA (Aile volante épaisse aérostatique) : Projet soutenu par Aerall (Association pour l’étude et la recherche sur les aéronefs allégés). Assemblage de modules aérostatiques pilotables (Map) ayant chacun la forme d’un cylindre de 100 m de haut et 25 de diamètre, reliés entre eux par une structure en treillis à la base et au sommet. Un appareil constitué de 2 rangées de 10 Map, aurait eu une longueur 250 m et un volume de 1 million de m3. Levage et dépose en verticale de charges lourdes (70 à 500 t) . Financement prévu : régional (Aquitaine et Nord-Pas-de-Calais) et Union européenne. Enorme prise au vent, mobilité latérale non précisée. Études réalisées par Aérospatiale-Matra en 1999 et l’Onera en 2000, puis suspendues. Projet abandonné
2000 : Cargolifter. Projet allemand d’un dirigeable semi-rigide DGP, type grue volante, charge marchande 160 tonnes, 4 groupes motopropulseurs diesel totalisant 9340 kW, autonomie 10 000 km. Tributaire d’un mât ou d’ancrages au sol. Lestage par pompage d’eau en l’air, lancement prévu en 2001. Construction d’un ballon grue, tracté, capable d’enlever 70 t.
201 : Skycats. Conçus par la firme britannique ATG, c’est une famille de projets de dirigeables souples dont la charge marchande devrait évoluer de 10 à 1000 tonnes de charge marchande. Ces dirigeables sont en fait des hybrides et leur forme (dite en catamaran, d’où leur nom) leur donne une portance due à la vitesse qui s’ajoute à la poussée ascensionnelle de l’hélium. Déplacement au sol sur coussin d’air. Mise au point d’un démonstrateur. Les Skycats sont des STOLs.
2002 : Zeppelin NT. Projet abouti dont le premier vol était prévu en 1997 mais a été retardé. A la différence de ses grands prédécesseurs, il s’agit d’un semi-rigide de dimensions modestes (70 m de long) destiné au transport de touristes (une dizaine) ou à la surveillance. Tributaire d’un mât d’amarrage mobile, ce zeppelin a pour caractéristiques intéressantes d’avoir deux groupes propulseurs latéraux basculants et un propulseur de poupe, l orientable dans les trois dimensions. Ces caractéristiques lui assurent une grande manœuvrabilité au départ, en vol et en approche.
2002 : FIRST. Le projet évolue, le ballastage ne se fait plus par compression d’hélium mais par compression d’air à 11bars dans des réservoirs toriques et par des contraintes mécaniques sur les ballons d’hélium. Le volume passe à 600 000 m3. Au sol le dirigeable se déplacerait sur coussin d’air et devient autonome (DGPA).Création d’une société anonyme, Adour Aerospace Technologie (AAT) pour son développement.
2003 : Cargolifter. Après avoir englouti plusieurs centaines de millions d’euros et à la suite du crash de son ballon-grue de 70 t qui est allé se déchirer sur les arbres d’une forêt voisine un jour de tempête, la firme Cargolifter a été mise en faillite et liquidée, ce qui a ruiné nombre des petits actionnaires qui avaient cru au projet.
2003 : FIRST. Dans le cadre du 6ème PCRD, 1er STREP, un dossier de demande de financement par la CCE a été présenté à Bruxelles. Le financement a été refusé.
2004 : FIRST. Toujours dans le cadre du 6ème PCRD, 2ème STREP, un nouveau dossier de demande de financement par la CCE a été présenté. Nouveau refus.
2005. Walrus. Projet de la DARPA (E-U) d’un énorme dirigeable (hybride STOL ) capable d’emporter une troupe armée (1 800 hommes). Jugé trop cher par le Sénat, il a été abandonné.
2005. La Préfecture de Police teste le Zeppelin NT pour ce qu’il pourrait apporter dans la surveillance sécuritaire et de la pollution. Coût de la location 2 500 €/heure sans équipement. Aucune suite concrète.
2006 . Dirisoft. Mis en place par l’ENS de Cachan et animé par Hervé Kuhlmann, le réseau Dirisoft a vocation à impulser des recherches pluridisciplinaires en vue de concevoir une nouvelle génération de dirigeables utilisant des énergies non fossiles, notamment pour des utilisations de transport de charges lourdes et de surveillance d’installations et de sites.
2006. Alizé : Le démonstrateur de ce prototype de soucoupe volante gonflée à l’hélium, conçu par P. Balaskovic, a réussi son envol aux Etats Unis. L’instabilité de l’engin serait en voie d’être corrigée.
2007. Pégase. Salon du Bourget : dans le cadre d’un PRIDES de la Région PACA, le pôle aéronautique Pégase aura, entre autres, vocation à développer des dirigeables. Projet de construction d’un démonstrateur pouvant emporter 4 ou 5 tonnes. Remise prévue d’un Livre blanc au Gouvernement.
2007. EM Bird. Préparé en Allemagne pour Pole Airship, ce dirigeable russe de 60 m de long, devait permettre à l’explorateur Jean-Louis Etienne d’aller mesurer l’épaisseur de la banquise au-dessus du Pôle Nord.
2007. Zeppelin NT. Le premier des Zeppelin NT (4 ont été construits) est acheminé en Afrique du Sud pour effectuer une campagne de géophysique aéroportée pour le compte de la De Beers. L’opération s’est terminée par la destruction du dirigeable, arraché de son mât d’amarrage par une rafale de vent
2008. Aeros. Un petit dirigeable Aeros (American Blimps Corporation) pour 3 ou 4 personnes est venu stationner à Fayence pour permettre à des touristes de survoler la région. Un atterrissage malheureux, un jour de fort vent, a mis fin au programme.
2008. Le Conseil Général de l’Ile de France, sous l’impulsion du conseiller Vert Henri Brûlé, propose de lancer un appel d’offres pour la construction d’un dirigeable qui servirait entre autres au transport du courrier dans les DOM-TOM. Il semble que l’appel d’offres n’ait jamais eu lieu
2008. EM Bird. Jean-Louis Etienne présente à Pau le dirigeable avec lequel il va aller mesurer l’épaisseur de la banquise. Finalement l’expédition n’aura pas lieu car le dirigeable, parqué sur le petit aérodrome de Fayence (Var), sera arraché de son mât d’amarrage par une rafale de vent et sera complètement détruit. 2009. SKycat : Après des années de mise ai point, le démonstrateur d’ATG a enfin réussi à décoller sans racler sa poupe sur son aire d’envol.
2009. Euro Airship : Cette nouvelle société est créée à Pau par absorption d’AAT, dans l’espoir d’attirer des investisseurs, pour la construction d’Eagle, démonstrateur d’un avatar plus classique et réduit à 30 tonnes du DGPA FIRST.
2009. Skyhook : BOEING et SKYHOOK INTERNATIONAL développent le Skyhook Heavy Lift Vehicle (HLV).qui pourrait transporter une charge 2 fois plus lourde que le plus gros hélicoptère actuel, (le MI26 Halo russe). Le Skyhook HLV ressemblera à un dirigeable équipé de 8 rotors : 4 rotors horizontaux contrôleront son altitude, 4 rotors verticaux assureront la propulsion et la direction de l’aéronef. Sa vitesse serait de 150 km/h. Et il serait capable d’enlever 40 tonnes su 300 km. Le premier vol est prévu pour 2014.
2010. Pégase. : Jusqu’à ce jour, le démonstrateur prévu ne semble pas avoir vu le jour.
C) Les dirigeables opérationnels
Le nombre de dirigeables dans le monde semble se stabiliser autour de la trentaine, ceux qui dépassent 2 tonnes de capacité d’emport étant de l’ordre de la demi-douzaine.
Voici un tableau récapitulant les dirigeables construits ou en cours de construction :
http://www.cawa.fr/le-point-sur-les-dirigeables-article003774.html