Au début du xxe siècle, il est mal vu pour une femme d'enseigner au niveau universitaire en Prusse. Vers 1910, Hilbert soutient les efforts d'Emmy Noether, mathématicienne de premier ordre, qui souhaite enseigner à l'université de Göttingen. Pour faire fléchir les opposants, il affirme alors que l'université n'est pas un « bain turc ». Pour déjouer le système établi, Hilbert prête son nom à Noether qui peut ainsi annoncer l'horaire de ses cours sans entacher la réputation de l'université.
En 1930, l'année de sa retraite de Göttingen, Hilbert fait une allocution à la radio, dénonçant un certain pessimisme dans la pensée allemande, porteuse de l'ignorabimus de Emil du Bois-Reymond. C'est à cette occasion qu'il prononce « Wir müssen wissen, wir werden wissen » (« Nous devons savoir, nous saurons »). Un jour avant qu'il ne prononce cette phrase, Kurt Gödel remet sa thèse qui contient son théorème de complétude, théorème qui concerne la logique du premier ordre. L'entreprise semble donc sur de bons rails. Ironiquement, un an plus tard, ce même Gödel démontrera son fameux théorème d'incomplétude, résultat qui oblige à relativiser, voire à abandonner le programme de Hilbert.
En 1933, Hilbert voit les nazis limoger plusieurs membres éminents de l'université de Göttingen. Parmi ceux-ci, citons Hermann Weyl, qui remplace Hilbert à la chaire de mathématiques après sa retraite en 1930, Emmy Noether et Edmund Landau. Paul Bernays, collaborateur de Hilbert en logique mathématique et co-auteur avec lui de Grundlagen der Mathematik (en), un important livre paru en deux volumes en 1934 et en 1939, quitte l'Allemagne suite aux pressions des nazis. Leur ouvrage était la suite du livre publié par Hilbert et Ackermann : Grundzüge der theoretischen Logik (en) (1928).
Environ une année plus tard, Hilbert, invité à un banquet, est assis à côté du ministre de l'Éducation Bernhard Rust. À la question de Rust : « Comment se trouvent les mathématiques à Göttingen maintenant qu'elle est libre de l'influence juive ? », Hilbert a répliqué : « Des mathématiques à Göttingen ? Il n'y en a plus guère. »2
Tombe de David Hilbert à Göttingen avec l'épitaphe:
Wir müssen wissen
Wir werden wissen
Lorsque Hilbert meurt en 1943, les nazis ont complètement restructuré l'université, tous les Juifs et conjoints de Juifs forcés de partir, certains ayant réussi à fuir l'Allemagne, d'autres déportés. Environ une douzaine de personnes assistent à ses funérailles, deux seulement étant des ex-collègues3. Sur sa tombe à Göttingen, on peut lire cet épitaphe : (de) Wir müssen wissen, wir werden wissen.
Parmi les étudiants de Hilbert, citons Hermann Weyl, Emanuel Lasker, Ernst Zermelo et Carl Gustav Hempel. John von Neumann était son assistant. À l'université de Göttingen, le cercle d'amis de Hilbert était composé des meilleurs mathématiciens du XXe siècle, tels Emmy Noether et Alonzo Church.
Travaux[modifier]
On retient de lui notamment sa liste de 23 problèmes, dont certains ne sont toujours pas résolus aujourd'hui, qu'il présenta en 1900 au congrès international des mathématiciens à Paris.
Ses contributions aux mathématiques sont nombreuses :
Consolidation de la théorie des invariants, qui était le sujet de sa thèse.
L'axiomatisation de la géométrie euclidienne, pour la rendre cohérente, parue dans son (de) Grundlagen der Geometrie (Base de la géometrie).
Travaux sur la théorie algébrique des nombres, reprenant et simplifiant, avec l'aide de Minkowski, les travaux de Kummer, Kronecker, Dirichlet et Dedekind, et les publiant dans son Zahlbericht (en) (Rapport sur les nombres).
Apport des espaces de Hilbert, lors de ses travaux en analyse sur les équations intégrales.
Apport sur les bases mathématiques de la relativité générale d'Einstein, notamment la dérivation de son équation à partir de l'action d'Einstein-Hilbert.
Le théorème des bases[modifier]
Les premiers travaux d'Hilbert sur les fonctions invariantes l'amènent à démontrer en 1888 son théorème des bases. Vingt ans plus tôt, à l'aide d'une méthode de calculs complexe, Paul Gordan démontre le théorème sur la finitude des générateurs des formes binaires. Les tentatives de généraliser sa méthode aux fonctions à plusieurs variables échouent à cause de la complexité des calculs. Hilbert décide d'emprunter une autre voie. Il démontre ainsi le théorème des bases, qui affirme l'existence d'un ensemble fini de générateurs pour les invariants des formes algébriques pour n'importe quel nombre de variables. Il ne construit pas effectivement une telle base ni n'indique de moyen d'en construire. Il prouve l'existence formellement en montrant que rejeter cette existence conduit à une contradiction.
Hilbert envoie ses résultats au Mathematische Annalen. Gordan, l'expert maison sur la théorie des invariants, ne parviendra pas à apprécier la nature révolutionnaire des travaux d'Hilbert. Il rejette l'article, affirmant qu'il est incompréhensible : « C'est de la théologie, pas des mathématiques ! »
Felix Klein, de son côté, reconnaît l'importance du travail et garantit qu'il sera publié sans modification, malgré son amitié pour Gordan. Stimulé par Klein et les commentaires de Gordan, Hilbert, dans un second article, prolonge ses résultats, donnant une estimation sur le degré maximal de l'ensemble minimal des générateurs. Après lecture, Klein lui écrit : « Sans aucun doute, il s'agit du plus important travail sur l'algèbre générale jamais publié par les Annalen ».
Plus tard, une fois les méthodes de Hilbert largement reconnues, Gordan lui-même affirme : « Je dois admettre que même la théologie a des mérites. »
Axiomatisation de la géométrie[modifier]
Article détaillé : Axiomes de Hilbert.
Hilbert publie Grundlagen der Geometrie4 (Les fondements de la géométrie5) en 1899. Il remplace les cinq axiomes usuels de la géométrie euclidienne par 21 axiomes. Son système élimine les faiblesses de la géométrie d'Euclide, la seule enseignée à ce moment.
Son approche est décisive dans l'adoption des méthodes axiomatiques. Les axiomes ne sont plus immuables. La géométrie peut codifier l'intuition que nous avons à propos des « objets », mais il n'est pas nécessaire de tout codifier. Les éléments, tels un point, une droite et un plan, peuvent être substitués par un verre de bière, une chaise et une table, par exemple. Il faut plutôt se concentrer sur leurs relations.
Hilbert axiomatise la géométrie plane selon cinq grands groupes :
Axiomes d'appartenance ou d'incidence: huit axiomes expriment le lien entre les notions de point, de droite et de plan.
Axiomes d'ordre : quatre axiomes définissent le terme « entre » et permettent de définir l'ordre des points alignés, coplanaires ou dans l'espace
Axiomes de congruence : cinq axiomes définissent la notion de congruence et de déplacement.
Axiome des parallèles : il s'agit essentiellement du cinquième axiome d'Euclide.
Axiomes de continuité : il contient l'axiome d'Archimède et celui de l'intégrité linéaire.
Ces axiomes unifient dans un seul système la géométrie plane et la géométrie dans l'espace, toutes deux euclidiennes.