Faut-il s’inquiéter des inégalités et de la pauvreté dans les pays riches ?
le 16 février 2012
Doit-on
s’inquiéter de la pauvreté et des inégalités sociales dans un pays
riche comme la France, quand on connaît la misère des conditions de vie
des habitants des pays les plus pauvres du monde ? Une analyse de Cédric
Rio et Louis Maurin, de l’Observatoire des inégalités.Malgré l’extrême pauvreté dont sont victimes des
milliards de personnes dans le monde –essentiellement au sein des pays
en développement – les débats au sein des pays riches portent surtout
sur la pauvreté et les inégalités à l’échelle nationale. L’Observatoire
des inégalités participe de ce phénomène, en publiant beaucoup moins
d’articles sur les inégalités de niveau international que sur celles que
l’on trouve en France. Comment expliquer ce phénomène ?
Un monde scindé en deuxLes écarts de revenus et de conditions de vie entre les
populations les plus riches et les plus pauvres du monde sont
vertigineux, même si, dans certains domaines, ces écarts tendent à
diminuer depuis quelques années [
1]. Au point que notre monde apparaît, pour ainsi dire, scindé en deux…
On comptabilise 1,4 milliard de personnes extrêmement
pauvres – elles vivent avec moins de 30 euros par mois – dans le monde,
selon les dernières estimations de la Banque mondiale [
2].
Le seuil français à 50 % du revenu médian correspond à des revenus
mensuels inférieurs à 795 euros (données 2009), 26 fois supérieur au
seuil utilisé par la Banque mondiale. Si on utilisait le seuil mondial
d’extrême pauvreté, celle-ci aurait été éradiquée en France.
Les populations qui souffrent de l’extrême pauvreté
vivent dans leur quasi-totalité dans les régions en développement. Plus
de la moitié de la population est concernée en Afrique subsaharienne, et
40 % de la population en Asie du sud [
3].
Cette pauvreté monétaire signifie pour certains des conditions de vie
indignes, équivalentes à ce que les pays riches ont pu connaître il y a
plus d’un siècle. Ainsi par exemple, seulement 60 % de la population
d’Afrique subsaharienne dispose d’un accès à l’eau potable, et plus d’un
milliard de personnes dans les pays en développement sont
sous-alimentées. L’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et
l’agriculture (la FAO) estime qu’une personne meurt de malnutrition
toutes les cinq secondes dans le monde… Dans ces pays, l’espérance de
vie à la naissance est beaucoup plus faible que la moyenne mondiale :
51,5 années en Afrique Sub-Saharienne, alors que la moyenne mondiale
atteint 67,6 années.
Pour la plus grande partie des populations des pays
riches, l’accès aux biens de base tels que l’eau potable ne constitue
plus un problème. Les maladies qui tuent au sein des pays les plus
pauvres (diarrhées, paludisme, choléra, etc.) ont disparu, notamment en
raison de l’amélioration des conditions d’hygiène. La plupart des pays
développés se sont dotés d’un système de protection sociale permettant
de garantir une partie des aléas de la vie. La grande pauvreté existe
toujours, mais elle est rarement mortelle. Ces conditions de vie dont
bénéficient les populations des pays riches se reflètent dans la
longévité de leur espérance de vie à la naissance : elle est de 80,3
années en Europe de l’Ouest et de 79,3 années en Amérique du Nord [
4].
Au-delà des éléments vitaux, les habitants des pays
riches accèdent à un ensemble de services publics plus ou moins
développés selon les pays. Dans ce cadre, la question de l’accès à
l’école est essentielle. Si la quasi-totalité des jeunes y sont
scolarisés jusqu’à 16 ans, c’est loin d’être le cas partout dans le
monde. Ainsi en Afrique Sub-saharienne, le taux de scolarisation n’est
que de 73 % au primaire et de 27 % au secondaire, et les conditions
d’études n’ont rien à voir avec celles que connaissent les enfants des
pays riches. 72 millions d’enfants en âge d’être à l’école primaire ne
sont pas scolarisés dans le monde.